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contours gracieux avaient laissé à ces coussins cette empreinte légère, pleine encore d’indolence ? Qui sait ? derrière ces rideaux épais, au fond de quelque immense et brillante galerie, peut-être allait-il apparaître une princesse endormie depuis cent ans, une fée en paniers, une Armide en paillettes, ou quelque hamadryade de cour, sortant d’une colonne de marbre, entr’ouvrant un lambris doré !

Étourdi, malgré lui, par toutes ces chimères, le chevalier, pour mieux rêver, s’était jeté sur un sofa, et il s’y serait peut-être oublié longtemps, s’il ne s’était souvenu qu’il était amoureux. Que faisait, pendant ce temps-là, mademoiselle d’Annebault, sa bien-aimée, restée, elle, dans un vieux château ?

— Athénaïs ! s’écria-t-il tout à coup, que fais-je ici à perdre mon temps ? Ma raison est-elle égarée ? Où suis-je donc, grand Dieu ! et que se passe-t-il en moi ?

Il se leva et continua son chemin à travers ce pays nouveau, et il s’y perdit, cela va sans dire. Deux ou trois laquais, parlant à voix basse, lui apparurent au fond d’une galerie. Il s’avança vers eux et leur demanda sa route pour aller à la comédie.

— Si monsieur le marquis, lui répondit-on (toujours d’après la même formule), veut bien prendre la peine de descendre par cet escalier et de suivre la galerie à droite, il trouvera au bout trois marches à monter ; il tournera alors à gauche, et quand il aura traversé le salon de Diane, celui d’Apollon, celui des Muses et celui