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sez. Savez-vous seulement que, à présent, tandis que le roi nous gruge, la fortune de sa grisette est incalculable ? Elle s’était fait donner au début cent quatre-vingt mille livres de rente ; mais ce n’était qu’une bagatelle, cela ne compte plus maintenant ; on ne saurait se faire une idée des sommes effrayantes que le roi lui jette à la tête ; il ne se passe pas trois mois de l’année où elle n’attrape au vol, comme par hasard, cinq ou six cent mille livres, hier sur les sels, aujourd’hui sur les augmentations du trésorier des écuries ; avec les logements qu’elle a dans toutes les maisons royales, elle achète la Selle, Cressy, Aulnay, Brinborion, Marigny, Saint-Rémi, Bellevue, et tant d’autres terres, des hôtels à Paris, à Fontainebleau, à Versailles, à Compiègne, sans compter une fortune secrète placée en tous pays dans toutes les banques d’Europe, en cas de disgrâce probablement, ou de la mort du souverain. Et qui paye tout cela, s’il vous plaît ?

— Je l’ignore, monsieur, mais ce n’est pas moi.

— C’est vous, comme tout le monde, c’est la France, c’est le peuple qui sue sang et eau, qui crie dans la rue, qui insulte la statue de Pigalle. Et le parlement ne veut plus de cela ; il ne veut plus de nouveaux impôts. Lorsqu’il s’agissait des frais de la guerre, notre dernier écu était prêt ; nous ne songions pas à marchander. Le roi victorieux a pu voir clairement qu’il était aimé par tout le royaume, plus clairement encore lorsqu’il faillit mourir. Alors cessa toute dissidence,