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II


Les derniers mots prononcés par le roi n’étaient pas tout à fait un arrêt de mort, mais c’était à peu près une défense de vivre. Que pouvait faire, en 1756, un jeune homme sans fortune, dont le roi ne voulait pas entendre parler ? Tâcher d’être commis, ou se faire philosophe, poète peut-être, mais sans dédicace, et le métier, en ce cas, ne valait rien.

Telle n’était pas, à beaucoup près, la vocation du chevalier de Vauvert, qui venait d’écrire avec des larmes la lettre dont le roi se moquait. Pendant ce temps-là, seul, avec son père, au fond du vieux château de Neauflette, il marchait par la chambre d’un air triste et furieux.

— Je veux aller à Versailles, disait-il.

— Et qu’y ferez-vous ?

— Je n’en sais rien ; mais que fais-je ici.

— Vous me tenez compagnie ; il est bien certain que cela ne peut pas être fort amusant pour vous, et je ne vous retiens en aucune façon. Mais oubliez-vous que votre mère est morte ?

— Non, monsieur, et je lui ai promis de vous con-