Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/257

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je le crois parbleu bien ! dit Marcel.

— Nous n’en tînmes compte. La chose apportée, nous commençâmes à faire les jolies femmes. Nous ne trouvions rien de bon, tout nous dégoûtait. À peine un plat était-il entamé, que nous le renvoyions pour en demander un autre. — Garçon, emportez cela ; ce n’est pas tolérable ; où avez-vous pris des horreurs pareilles ? Nos inconnus désirèrent manger, mais il ne leur fut pas loisible. Bref, nous soupâmes comme dînait Sancho, et la colère nous porta même à briser quelques ustensiles.

— Belle conduite ! et comment payer ?

— Voilà précisément la question que les trois inconnus s’adressèrent. Par l’entretien qu’ils eurent à voix basse, l’un d’eux nous parut posséder six francs, l’autre infiniment moins, et le troisième n’avait que sa montre, qu’il tira généreusement de sa poche. En cet état, les trois infortunés se présentèrent au comptoir, dans le but d’obtenir un délai quelconque. Que pensez-vous qu’on leur répondit ?

— Je pense, répliqua Marcel, que l’on vous a gardées en gage, et qu’on les a conduits au violon.

— C’est une erreur, dit mademoiselle Pinson. Avant de monter dans le cabinet, Rougette avait pris ses mesures, et tout était payé d’avance. Imaginez le coup de théâtre, à cette réponse de Viot : Messieurs, tout est payé ! Nos inconnus nous regardèrent comme jamais trois chiens n’ont regardé trois évêques, avec une stu-