Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Quel bracelet, Berville ? qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Ce bracelet que je vous redemande, et que Saint-Aubin et moi nous vous avions donné ?

— Fi donc ! redemander un cadeau ! c’est bien peu gentilhomme, mon cher.

— Il ne s’agit point ici de gentilhommerie. Je vous l’ai dit, il s’agit d’un service fort important que vous pouvez me rendre. Réfléchissez, je vous en conjure, et répondez-moi sérieusement. Si ce n’est que le bracelet qui vous tient au cœur, je m’engage bien volontiers à vous en mettre un autre à chaque bras, en échange de celui dont j’ai besoin.

— C’est fort galant de votre part.

— Non, ce n’est pas galant, c’est tout simple. Je ne vous parle ici que dans mon intérêt.

— Mais d’abord, dit Javotte en se levant et en jouant de l’éventail, il faudrait savoir, comme je vous disais, ce que vous en feriez, de ce bracelet. Je ne peux pas me fier à un homme qui n’a pas lui-même confiance en moi. Voyons, contez-moi un peu vos affaires. Il y a quelque femme, quelque tricherie là-dessous. Tenez, je parierais que c’est quelque ancienne maîtresse à vous ou à Saint-Aubin, qui veut me dépouiller de mes ustensiles de ménage. Il y a quelque brouille, quelque jalousie, quelque mauvais propos ; allons, parlez donc.

— S’il faut absolument vous dire mon motif, répondit Tristan, voulant se débarrasser de ces questions, la