Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/217

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toute son éloquence. Plus la démarche qu’il faisait pouvait sembler bizarre et extraordinaire, plus il sentait la nécessité de la terminer promptement. Mais, d’une autre part, il avait devant les yeux la carte de la Bretonnière, ses regards ne pouvaient s’en détacher ; et, tout en poursuivant l’objet de sa visite, il se répétait à lui-même : — Je retrouverai donc cet homme-là partout ?

— Enfin, que voulez-vous ? dit Javotte. Vous êtes distrait comme un poète en couches.

Il va sans dire que Tristan ne voulait point parler de son motif secret, ni prononcer le nom de la marquise.

— Je ne puis rien vous expliquer, répondit-il. Je ne puis que vous dire une seule chose, c’est que vous m’obligeriez infiniment en me rendant le bracelet que Saint-Aubin et moi nous vous avons donné, s’il est encore en votre possession.

— Mais qu’est-ce que vous voulez en faire ?

— Rien qui puisse vous inquiéter, je vous en donne ma parole.

— Je vous crois, Berville, vous êtes homme d’honneur. Le diable m’emporte, je vous crois.

(Madame Rosenval, dans ses nouvelles grandeurs, avait conservé quelques expressions qui sentaient encore un peu les choux.)

— Je suis enchanté, dit Tristan, que vous ayez de moi un si bon souvenir ; vous n’oubliez pas vos amis.

— Oublier mes amis ! jamais. Vous m’avez vue dans