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moment de ma dispute avec Saint-Aubin, il venait de commander, chez ce même marchand, dans cette boutique, un bracelet comme celui-là, lequel bracelet était destiné à cette grisette dont il s’occupait, et qui avait failli nous brouiller ; lorsque, après notre querelle vidée, nous eûmes déjeuné ensemble : — Parbleu, me dit-il en riant, tu viens de m’enlever la reine de mes pensées à l’instant où je me disposais à lui faire un cadeau ; c’était un petit bracelet avec mon nom gravé en dedans ; mais, ma foi, elle ne l’aura pas. Si tu veux le lui donner, je te le cède ; puisque tu es le préféré, il faut que tu payes ta bienvenue. — Faisons mieux, répondis-je ; soyons de moitié dans l’envoi que tu comptais lui faire. — Tu as raison, reprit-il ; mon nom est déjà sur la plaque, il faut que le tien y soit gravé aussi, et, en signe de bonne amitié, nous y ferons ajouter la date. Ainsi fut dit, ainsi fut fait. La date et les deux noms, écrits sur le bracelet, furent envoyés à la demoiselle, et doivent actuellement exister quelque part en la possession de mademoiselle Javotte (c’est le nom de notre héroïne), à moins qu’elle ne l’ait vendu pour aller dîner.

— À merveille ! s’écria Armand ; cette preuve que tu cherchais est toute trouvée. Il faut maintenant que ce bracelet reparaisse. Il faut que la marquise voie les deux signatures, et le jour bien spécifié. Il faut que mademoiselle Javotte elle-même témoigne au besoin de la vérité et de l’identité de la chose. N’en est-ce pas