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— Hier, je l’aurais baisé, dit-il à son frère.

Le soir venu, les deux jeunes gens prirent la poste ensemble, et allèrent coucher à Paris. Madame de Berville, toujours inquiète et toujours indulgente, comme une vraie mère qu’elle était, fit semblant de croire aux raisons qu’ils prétendirent avoir pour partir. Dès le lendemain matin, comme on le pense bien, leur premier soin fut d’aller demander M. de Saint-Aubin, capitaine de dragons, rue Neuve-Saint-Augustin, à l’hôtel garni où il logeait habituellement quand il était en congé.

— Dieu veuille que nous le trouvions ! disait Armand. Il est peut-être en garnison bien loin.

— Quand il serait à Alger, répondait Tristan, il faut qu’il parle, ou du moins qu’il écrive ; j’y mettrai six mois, s’il le faut, mais je le trouverai, ou il dira pourquoi.

Le garçon de l’hôtel était un Anglais, chose fort commode peut-être pour les sujets de la reine Victoria curieux de visiter Paris, mais assez gênante pour les Parisiens. À la première parole de Tristan, il répondit par l’exclamation la plus britannique :

— Oh !

— Voilà qui est bien, dit Armand, plus impatient encore que son frère ; mais M. de Saint-Aubin est-il ici ?

— Oh ! no.

— N’est-ce pas dans cette maison qu’il demeure ?

— Oh ! yes.