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VIII


Il va sans dire que ni Camille ni l’oncle Giraud ne savaient seulement le nom de l’abbé de l’Épée ; encore moins se doutaient-ils de la découverte d’une science nouvelle qui faisait parler les muets. Le chevalier aurait pu connaître cette découverte ; sa femme l’eût certainement connue si elle eût vécu ; mais Chardonneux était loin de Paris ; le chevalier ne recevait pas la gazette, ou, s’il la recevait, ne la lisait pas. Ainsi quelques lieues de distance, un peu de paresse, ou la mort, peuvent produire le même résultat.

Revenue au logis, Camille n’avait plus qu’une idée : ce que ses gestes et ses regards pouvaient dire, elle l’employa pour expliquer à son oncle qu’il lui fallait, avant tout, une ardoise et un crayon. Le bonhomme Giraud ne fut point embarrassé par cette demande, bien qu’elle lui fût adressée un peu tard, car il était temps de souper ; il courut à sa chambre, et, persuadé qu’il avait compris, il rapporta en triomphe à sa nièce une petite planche et un morceau de craie, reliques précieuses de son ancien amour pour la bâtisse et la charpente.

Camille n’eut pas l’air de se plaindre de voir son