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À tout moment, elle se retournait vers son oncle d’un air stupéfait, comme pour le consulter ; mais il n’y comprenait guère plus qu’elle. Elle voyait des bergers en bas de soie offrant des fleurs à leurs bergères, des amours voltigeant au bout d’une corde, des dieux assis sur des nuages. Les décorations, les lumières, le lustre surtout, dont l’éclat la charmait, les parures des femmes, les broderies, les plumes, toute cette pompe d’un spectacle inconnu pour elle la jetait dans un doux étonnement.

De son côté, elle devint bientôt elle-même l’objet d’une curiosité presque générale ; sa parure était simple, mais du meilleur goût. Seule, en grande loge, à côté d’un homme aussi peu musqué que l’était l’oncle Giraud, belle comme un astre et fraîche comme une rose, avec ses grands yeux noirs et son air naïf, elle devait nécessairement attirer les regards. Les hommes commencèrent à se la montrer, les femmes à l’observer ; les marquis s’approchèrent, et les compliments les plus flatteurs, faits à haute voix, à la mode du temps, furent adressés à la nouvelle venue ; par malheur, l’oncle Giraud seul recueillait ces hommages, qu’il savourait avec délices.

Cependant Camille, peu à peu, reprit d’abord son air tranquille, puis un mouvement de tristesse la saisit. Elle sentit combien il était cruel d’être isolée au milieu de cette foule. Ces gens qui causaient dans leurs loges, ces musiciens dont les instruments réglaient la mesure