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On pouvait s’attendre à ce que madame des Arcis montrât quelque embarras et quelque inquiétude ; il n’en fut rien. Après les politesses d’usage, elle s’assit de l’air le plus calme, et tandis que chacun suivait des yeux son enfant avec une espèce d’étonnement ou un air d’intérêt affecté, elle la laissait aller par la chambre sans paraître y songer.

Camille retrouvait là ses petites compagnes ; elle courait tour à tour vers l’une ou vers l’autre, comme si elle eût été au jardin. Toutes, cependant, la recevaient avec réserve et avec froideur. Le chevalier, debout à l’écart, souffrait visiblement. Ses amis vinrent à lui, vantèrent la beauté de sa fille ; des personnes étrangères, ou même inconnues, l’abordèrent avec l’intention de lui faire compliment. Il sentait qu’on le consolait, et ce n’était guère de son goût. Cependant un regard auquel on ne se trompe pas, le regard de tous, lui remit peu à peu quelque joie au cœur. Après avoir parlé par gestes presque à tout le monde, Camille était restée debout entre les genoux de sa mère. On venait de la voir aller de côté et d’autre ; on s’attendait à quelque chose d’étrange, ou tout au moins de curieux ; elle n’avait rien fait que de dire bonsoir aux gens avec une grande révérence, donner un petit shake-hand à des demoiselles anglaises, envoyer des baisers aux mères de ses petites amies, le tout peut-être appris par cœur, mais fait avec grâce et naïveté. Revenue tranquillement à sa place, on commença à l’admirer. Rien, en effet,