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ches. Pendant dix minutes, les dix fortunées minutes qui avaient suivi son départ, et précédé son entrée à Longchamps, un rêve bien encontreux l’avait transporté à certain chapitre d’un livre dont les demoiselles ne savent pas le titre. Il s’était vu en amoureux cavalcadour piaffant à côté du wiski de la marquise de B. Hélas ! il était parti grand seigneur, chevalier errant, paladin, il s’en revenait morose, enrhumé, républicain. Ô hommes, vous dont la pensée est plus changeante que l’aile du scarabée aux rayons du soleil, plus difficile à fixer que le fluide de la lumière, vagues d’un océan sans limite, où allez-vous ? où te retrouverons-nous, toi, multitude, foule ardente et curieuse, empressée et vide, qui te portes en avant et te retires plus irrégulièrement qu’une mer sans marée fixe ? Engouements d’un jour, folies qu’on croit éternelles, qu’on scelle sur le marbre, qu’on décrète, qu’on élève en monuments, le souffle du zéphir vous renverse. Où étiez-vous, ô habitants de Paris ?

Les Parisiens étaient à la revue du Champ de Mars, dimanche passé.

(Écrit le soir du vendredi saint, comme la préface du Vingt-quatre Février[1].)

Dimanche, 3 avril 1831 (jour de Pâques.)
  1. Le Vingt-Quatre Février est un drame de Zacharinas Werner, célèbre en Allemagne.