Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/59

Cette page a été validée par deux contributeurs.

même, vous êtes forcé d’ajouter tacitement : Autant que cela est possible.

Prenez le temps comme il vient, le vent comme il souffle, la femme comme elle est. Les Espagnoles, les premières des femmes, aiment fidèlement ; leur cœur est sincère et violent, mais elles portent un stylet sur le cœur. Les Italiennes sont lascives ; mais elles cherchent de larges épaules et prennent mesure de leur amant avec des aunes de tailleurs. Les Anglaises sont exaltées et mélancoliques ; mais elles sont froides et guindées. Les Allemandes sont tendres et douces, mais fades et monotones. Les Françaises sont spirituelles, élégantes et voluptueuses, mais elles mentent comme des démons.

Avant tout, n’accusez pas les femmes d’être ce qu’elles sont ; c’est nous qui les avons faites ainsi, défaisant l’ouvrage de la nature en toute occasion.

La nature, qui pense à tout, a fait la vierge pour être amante ; mais, à son premier enfant, ses cheveux tombent, son sein se déforme, son corps porte une cicatrice ; la femme est faite pour être mère. L’homme s’en éloignerait peut-être alors, dégoûté par la beauté perdue ; mais son enfant s’attache à lui en pleurant. Voilà la famille, la loi humaine ; tout ce qui s’en écarte est monstrueux. Ce qui fait la vertu des campagnards, c’est que leurs femmes sont des machines à enfantement et à allaitement, comme ils sont, eux, des machines à labourage. Ils n’ont ni faux cheveux, ni lait virginal ; mais leurs amours n’ont pas la lèpre ; ils ne s’aperçoivent pas,