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Mais ne confondez pas le vin avec l’ivresse ; ne croyez pas la coupe divine où vous buvez le breuvage divin ; ne vous étonnez pas le soir de la trouver vide et brisée. C’est une femme, c’est un vase fragile, fait de terre, par un potier.

Remerciez Dieu de vous montrer le ciel, et parce que vous battez de l’aile, ne vous croyez pas un oiseau. Les oiseaux eux-mêmes ne peuvent franchir les nuages ; il y a une sphère où ils manquent d’air, et l’alouette qui s’élève en chantant dans les brouillards du matin, retombe quelquefois morte sur le sillon.

Prenez de l’amour ce qu’un homme sobre prend de vin ; ne devenez pas un ivrogne. Si votre maîtresse est sincère et fidèle, aimez-la pour cela ; mais si elle ne l’est pas, et qu’elle soit jeune et belle, aimez-la parce qu’elle est jeune et belle ; et si elle est agréable et spirituelle, aimez-la encore ; et si elle n’est rien de tout cela, mais qu’elle vous aime seulement, aimez-la encore. On n’est pas aimé tous les soirs.

Ne vous arrachez pas les cheveux et ne parlez pas de vous poignarder parce que vous avez un rival. Vous dites que votre maîtresse vous trompe pour un autre ; c’est votre orgueil qui en souffre ; mais changez seulement les mots : dites-vous que c’est lui qu’elle trompe pour vous, et vous voilà glorieux.

Ne vous faites pas de règle de conduite, et ne dites pas que vous voulez être aimé exclusivement ; car, en disant cela, comme vous êtes homme et inconstant vous-