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Je la regardai ; qu’elle était belle ! Tout son corps frémissait ; ses yeux, perdus d’amour, répandaient des torrents de volupté ; sa gorge était nue, ses lèvres brûlaient. Je la soulevai dans mes bras. — Soit, lui dis-je ; mais, devant Dieu qui nous voit, par l’âme de mon père, je te jure que je te tue tout à l’heure et moi aussi. — Je pris un couteau de table qui était sur ma cheminée et le posai sous l’oreiller.

— Allons, Octave, me dit-elle en souriant et en m’embrassant, ne fais pas de folie. Viens, mon enfant ; toutes ces horreurs te font mal ; tu as la fièvre. Donne-moi ce couteau.

Je vis qu’elle voulait le prendre. — Écoutez-moi, lui dis-je alors ; je ne sais qui vous êtes et quelle comédie vous jouez, mais, quant à moi, je ne la joue pas. Je vous ai aimée autant qu’un homme peut aimer sur terre, et, pour mon malheur et ma mort, sachez que je vous aime encore éperdument. Vous venez me dire que vous m’aimez aussi, je le veux bien ; mais par tout ce qu’il y a de sacré au monde, si je suis votre amant ce soir, un autre ne le sera pas demain. Devant Dieu, devant Dieu, répétai-je, je ne vous reprendrai pas pour maîtresse, car je vous hais autant que je vous aime. Devant Dieu, si vous voulez de moi, je vous tue demain matin. En parlant ainsi, je me renversai dans un complet délire.

Elle jeta son manteau sur ses épaules et sortit en courant.

Lorsque Desgenais sut cette histoire, il me dit : —