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dans un coin de sa chambre, le visage abattu et dans le plus grand désordre. Je l’accablai des plus violents reproches ; j’étais ivre de désespoir. Je criais à faire retentir toute la maison, et en même temps les larmes me coupaient parfois la parole si violemment, que je tombais sur le lit pour leur donner un libre cours.

— Ah ! infidèle, ah ! malheureuse, lui disais-je en pleurant, tu sais que j’en mourrai, cela te fait-il plaisir ? que t’ai-je fait ?

Elle se jeta à mon cou, me dit qu’elle avait été séduite, entraînée ; que mon rival l’avait enivrée dans ce fatal souper, mais qu’elle n’avait jamais été à lui ; qu’elle s’était abandonnée à un moment d’oubli, qu’elle avait commis une faute, mais non pas un crime ; enfin, qu’elle voyait bien tout le mal qu’elle m’avait fait, mais que si je ne la reprenais, elle en mourrait aussi. Tout ce que le repentir sincère a de larmes, tout ce que la douleur a d’éloquence, elle l’épuisa pour me consoler ; pâle et égarée, sa robe entr’ouverte, ses cheveux épars sur ses épaules, à genoux au milieu de la chambre, jamais je ne l’avais vue si belle, et je frémissais d’horreur pendant que tous mes sens se soulevaient à ce spectacle.

Je sortis brisé, n’y voyant plus et pouvant à peine me soutenir. Je ne voulais jamais la revoir ; mais au bout d’un quart d’heure j’y retournai. Je ne sais quelle force désespérée m’y poussait ; j’avais comme une sourde envie de la posséder encore une fois, de boire