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partir, et le courage vous manquera. Que voulez-vous que nous fassions ensuite ?

Une démence horrible, effrayante, s’empara de moi subitement ; j’allais et venais, parlant au hasard, cherchant sur les meubles quelque instrument de mort. Je tombai enfin à genoux et me frappai la tête sur le lit. Brigitte fit un mouvement, et je m’arrêtai aussitôt.

— Si je l’éveillais ! me dis-je en frissonnant. Que fais-tu donc, pauvre insensé ? Laisse-la dormir jusqu’au jour ; tu as encore une nuit à la voir.

Je repris ma place ; j’avais une telle frayeur que Brigitte ne fût éveillée, que j’osais à peine respirer. Mon cœur semblait s’être arrêté en même temps que mes larmes. Je demeurai glacé d’un froid qui me faisait trembler, et comme pour me forcer au silence : Regarde-la, me disais-je, regarde-la, cela t’est permis.

Je parvins enfin à me calmer, et je sentis des larmes plus douces couler lentement sur mes joues. À la fureur que j’avais ressentie succédait l’attendrissement. Il me sembla qu’un cri plaintif déchirait les airs ; je me penchai sur le chevet, et je me mis à regarder Brigitte, comme si, pour la dernière fois, mon bon ange m’eût dit de graver dans mon âme l’empreinte de ses traits chéris.

Qu’elle était pâle ! Ses longues paupières, entourées d’un cercle bleuâtre, brillaient encore, humides de larmes ; sa taille, autrefois si légère, était courbée comme sous un fardeau ; sa joue, amaigrie et plombée, reposait