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dans leurs regards s’il n’aperçoit pas trop de pitié ; il t’accusera de le tromper si une main serre encore la tienne, et si, dans le désert de ta vie, tu trouves par hasard quelqu’un qui puisse te plaindre en passant. Ô Dieu ! te souvient-il d’un jour d’été où l’on a posé sur ta tête une couronne de roses blanches ? Était-ce ce front qui la portait ? Ah ! cette main qui l’a suspendue aux murailles de l’oratoire, elle n’est pas tombée en poussière comme elle ! Ô ma vallée ! ô ma vieille tante, qui dormez maintenant en paix ! ô mes tilleuls, ma petite chèvre blanche, mes braves fermiers qui m’aimiez tant ! vous souvient-il de m’avoir vue heureuse, fière, tranquille et respectée ? Qui donc a jeté sur ma route cet étranger qui veut m’en arracher ? qui donc lui a donné le droit de passer dans le sentier de mon village ? Ah ! malheureuse, pourquoi t’es-tu retournée le premier jour qu’il t’y a suivie ? pourquoi l’as-tu accueilli comme un frère ; pourquoi as-tu ouvert ta porte et lui as-tu tendu la main ? Octave, Octave, pourquoi m’as-tu aimée, si tout devait finir ainsi ?

Elle était près de défaillir, et je la soutins jusqu’à un fauteuil, où elle tomba la tête sur mon épaule. L’effort terrible qu’elle venait de faire en me parlant si amèrement l’avait brisée. Au lieu d’une maîtresse outragée, je ne trouvai plus tout à coup en elle qu’un enfant plaintif et souffrant. Ses yeux se fermèrent ; je l’entourai de mes bras, et elle resta sans mouvement.

Lorsqu’elle reprit connaissance, elle se plaignit d’une