Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/353

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aux faibles te coûteront cher ! Pleure, maintenant ; ce supplice même, cette douleur n’a servi de rien.

Je voulus l’interrompre. — Laissez-moi, laissez-moi, dit-elle ; il faut qu’un jour je vous parle aussi. Voyons ; pourquoi doutez-vous de moi ? Depuis six mois, de pensée, de corps et d’âme, je n’ai appartenu qu’à vous. De quoi osez-vous me soupçonner ? Voulez-vous partir pour la Suisse ? Je suis prête, vous le voyez. Est-ce un rival que vous croyez avoir ? Envoyez-lui une lettre que je signerai et que vous mettrez à la poste. Que faisons-nous ? où allons-nous ? prenons un parti. Ne sommes-nous pas toujours ensemble ? Eh bien ! pourquoi me quittes-tu ? je ne peux pas être à la fois près et loin de toi. Il faudrait, dis-tu, pouvoir se fier à sa maîtresse ; c’est vrai. Ou l’amour est un bien, ou c’est un mal ; si c’est un bien, il faut croire en lui ; si c’est un mal, il faut s’en guérir. Tout cela, vois-tu, c’est un jeu que nous jouons ; mais notre cœur et notre vie servent d’enjeu, et c’est horrible. Veux-tu mourir ? Ce sera plus tôt fait. Qui suis-je donc pour qu’on doute de moi ?

Elle s’arrêta devant la glace. — Qui suis-je donc ? répétait-elle, qui suis-je donc ? Y pensez-vous ? regardez donc ce visage que j’ai.

Douter de toi ? s’écria-t-elle en s’adressant à sa propre image ; pauvre tête pâle, on te soupçonne ! pauvres joues maigres, pauvres yeux fatigués, on doute de vous et de vos larmes ! Eh bien ! achevez de souffrir ; que ces baisers qui vous ont desséchés vous ferment les pau-