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tonnant qu’à notre âge on eût besoin de changement ?

Elle s’arrêta. — À notre âge ! dit-elle. Est-ce que c’est à moi que vous vous adressez ? Quelle comédie jouez-vous aussi ?

Le sang me monta au visage. Je lui saisis la main.

— Assieds-toi là, lui dis-je, et écoute-moi.

— À quoi bon ? ce n’est pas vous qui parlez.

J’étais honteux de ma propre feinte, et j’y renonçai.

— Écoutez-moi, répétai-je avec force, et venez, je vous en supplie, vous asseoir ici près de moi. Si vous voulez garder le silence, faites-moi du moins la grâce de m’entendre.

— J’écoute ; qu’avez-vous à me dire ?

— Si on me disait aujourd’hui : Vous êtes un lâche ; j’ai vingt-deux ans et je me suis déjà battu ; ma vie entière, mon cœur se révolteraient. N’aurais-je pas en moi la conscience de ce que je suis ? Il faudrait pourtant aller sur le pré, il faudrait que je me misse vis-à-vis du premier venu, il faudrait jouer ma vie contre la sienne ; pourquoi ? Pour prouver que je ne suis pas un lâche ; sans quoi, le monde le croirait. Cette seule parole demande cette réponse, toutes les fois qu’on l’a prononcée, et n’importe qui.

— C’est vrai ; où voulez-vous en venir ?

Les femmes ne se battent pas ; mais, telle que la société est faite, il n’y a pourtant aucun être, de tel sexe qu’il soit, qui ne doive, à certains moments de sa vie, fût-elle réglée comme une horloge, solide comme