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Qu’ai-je fait pour les ignorer ? Ne saurait-on y trouver de remède ?

— Non, disait-elle, vous avez tort ; vous ferez votre malheur et le mien si vous me pressez davantage. N’est-ce pas assez que nous partions ?

— Et comment voulez-vous que je parte, lorsqu’il suffit de vous regarder pour voir que ce voyage vous répugne, que vous venez à contre-cœur, que vous vous en repentez déjà ? Qu’est-ce donc, grand Dieu ! et que me cachez-vous ? à quoi bon jouer avec les paroles quand la pensée est aussi claire que cette glace que voilà ? Ne serais-je pas le dernier des hommes d’accepter ainsi sans murmure ce que vous me donnez avec tant de regret ? Comment cependant le refuserais-je ? Que puis-je faire, si vous ne parlez pas ?

— Non, je ne vous suis pas à contre-cœur ; vous vous trompez ; je vous aime, Octave ; cessez de me tourmenter ainsi.

Elle mit tant de douceur dans ces paroles que je me jetai à ses genoux. Qui eût résisté à son regard et au son divin de sa voix ? — Mon Dieu ! m’écriai-je, vous m’aimez, Brigitte ? ma chère maîtresse, vous m’aimez ?

— Oui, je vous aime, oui, je vous appartiens ; faites de moi ce que vous voudrez. Je vous suivrai ; partons ensemble ; venez, Octave, on nous attend.

— Elle serrait ma main dans les siennes et me donna un baiser sur le front. — Oui, il le faut, murmura-t-elle ; oui, je le veux, jusqu’au dernier soupir.