— Moi ! dit-elle presque offensée. Qui vous fait croire que je la joue ?
— Qui me le fait croire ? Dites-moi, ma chère, que vous avez la mort dans l’âme et que vous souffrez le martyre. Voilà mes bras prêts à vous recevoir ; appuyez-y la tête et pleurez. Alors je vous emmènerai peut-être ; mais, en vérité, pas ainsi.
— Partons, partons ! répéta-t-elle encore.
— Non, sur mon âme ! non, pas à présent ; non, tant qu’il y a entre nous un mensonge ou un masque. J’aime mieux le malheur que cette gaieté-là. Elle resta muette, consternée de voir que je ne me trompais pas à ses paroles et que je la devinais malgré ses efforts.
— Pourquoi nous abuser ? continuai-je, suis-je donc si bas dans votre estime que vous puissiez feindre devant moi ? Ce malheureux et triste voyage, vous y croyez-vous donc condamnée ? Suis-je un tyran, un maître absolu ? suis-je un bourreau qui vous traîne au supplice ? Que craignez-vous donc de ma colère pour en venir à de pareils détours ? Quelle terreur vous fait mentir ainsi ?
— Vous avez tort, répondit-elle ; je vous en prie, pas un mot de plus.
— Pourquoi donc si peu de sincérité ? Si je ne suis pas votre confident, ne puis-je du moins être traité en ami ? Si je ne puis savoir d’où viennent vos larmes, ne puis-je du moins les voir couler ? N’avez-vous pas même cette confiance de croire que je respecte vos chagrins ?