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sein, je mis l’entretien sur notre voyage. J’y renoncerais, dis-je à Brigitte, si je pensais qu’elle l’eût moins à cœur ; je me trouvais si bien à Paris que je ne demandais pas mieux que d’y rester tant qu’elle le trouverait agréable. Je fis l’éloge de tous les plaisirs qu’on ne peut trouver que dans cette ville ; je parlai des bals, des théâtres, de tant d’occasions de se distraire qui s’y rencontrent à chaque pas. Bref, puisque nous étions heureux, je ne voyais pas pourquoi nous changions de place, et je ne songeais pas à partir de sitôt.

Je m’attendais qu’elle allait insister pour notre projet d’aller à Genève, et, en effet, elle n’y manqua pas. Ce ne fut pourtant qu’assez faiblement ; mais, dès qu’elle en eut dit les premiers mots, je feignis de me rendre à ses instances ; puis, détournant la conversation, je parlai de choses indifférentes, comme si tout eût été convenu.

— Et pourquoi, ajoutai-je, Smith ne viendrait-il pas avec nous ? Il est bien vrai qu’il a ici des occupations qui le retiennent, mais ne peut-il obtenir un congé ? D’ailleurs, les talents qu’il possède, et dont il ne veut pas profiter, ne doivent-ils pas lui assurer partout une existence libre et honorable ? Qu’il vienne sans façon ; la voiture est grande, et nous lui offrons une place : il faut qu’un jeune homme voie le monde, et il n’y a rien de si triste à son âge que de s’enfermer dans un cercle restreint. N’est-il pas vrai, demandai-je à Brigitte ? Allons, ma chère, que votre crédit obtienne de lui ce