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l’avenir que mon amour l’en récompensât ; enfin mon bon ange avait triomphé, et l’admiration et l’amour prenaient le dessus dans mon cœur.

Inclinée près de moi, Brigitte cherchait sur la carte le lieu où nous allions nous ensevelir ; nous ne l’avions pas décidé encore, et nous trouvions à cette incertitude un plaisir si vif et si nouveau, que nous feignions, pour ainsi dire, de ne pouvoir nous fixer sur rien. Durant ces recherches, nos fronts se touchaient, mon bras entourait la taille de Brigitte. — Où irons-nous ? que ferons-nous ? où commencera la vie nouvelle ? Comment dirais-je ce que j’éprouvais, lorsqu’au milieu de tant d’espérances je relevais la tête par moments ? Quel repentir me pénétrait à la vue de ce beau et tranquille visage qui souriait à l’avenir, pâle encore des douleurs du passé ! Lorsque je la tenais ainsi et que son doigt errait sur la carte, tandis qu’elle parlait à voix basse de ses affaires qu’elle disposait, de ses désirs, de notre retraite future, j’aurais donné mon sang pour elle. Projets de bonheur, vous êtes peut-être le seul bonheur véritable ici-bas !

Il y avait huit jours environ que notre temps se passait en courses et en emplettes, lorsqu’un jeune homme se présenta chez nous ; il apportait des lettres à Brigitte. Après l’entretien qu’il eut avec elle, je la trouvai triste et abattue ; mais je n’en pus savoir autre chose sinon que les lettres étaient de N***, cette même ville où, pour la première fois, j’avais parlé de mon amour, et où