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m’en empêcher ; à la première page, je tombai sur ces mots « Ceci est mon testament. »

Tout était écrit d’une main tranquille ; j’y trouvai d’abord un récit fidèle, sans amertume et sans colère, de tout ce que Brigitte avait souffert par moi depuis qu’elle était ma maîtresse. Elle annonçait une ferme détermination de tout supporter tant que je l’aimerais, et de mourir quand je la quitterais. Ses dispositions étaient faites ; elle rendait compte, jour par jour, du sacrifice de sa vie. Ce qu’elle avait perdu, ce qu’elle avait espéré, l’isolement affreux où elle se trouvait jusque dans mes bras, la barrière toujours croissante qui s’interposait entre nous, les cruautés dont je payais son amour et sa résignation, tout cela était raconté sans une plainte ; elle prenait à tâche, au contraire, de me justifier. Enfin elle arrivait au détail de ses affaires personnelles et réglait ce qui regardait ses héritiers. C’était par le poison, disait-elle, qu’elle en finirait avec la vie. Elle mourrait de sa propre volonté, et défendait expressément que sa mémoire servît jamais de prétexte à quelque démarche contre moi. « Priez pour lui ! » telle était sa dernière parole.

Je trouvai dans l’armoire, sur le même rayon, une petite boîte que j’avais déjà vue, pleine d’une poudre fine et bleuâtre, semblable à du sel.

— Qu’est-ce que c’est que cela ? demandai-je à Brigitte en portant la boîte à mes lèvres. Elle poussa un cri terrible et se jeta sur moi.