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CHAPITRE V


Un jour, en rentrant au logis, je vis ouverte une petite chambre qu’elle appelait son oratoire ; il n’y avait, en effet, pour tout meuble qu’un prie-Dieu et un petit autel, avec une croix et quelques vases de fleurs. Du reste, les murs et les rideaux, tout était blanc comme la neige. Elle s’y enfermait quelquefois, mais rarement, depuis que je vivais chez elle.

Je me penchai contre la porte, et je vis Brigitte assise à terre au milieu de fleurs qu’elle venait de jeter. Elle tenait une petite couronne qui me parut être d’herbes sèches, et elle la brisait entre ses mains.

— Que faites-vous donc ? lui demandai-je. Elle tressaillit et se leva. — Ce n’est rien, dit-elle, un jouet d’enfant ; c’est une vieille couronne de roses qui s’est fanée dans cet oratoire ; il y a longtemps que je l’y avais mise ; je suis venue pour changer mes fleurs.

Elle parlait d’une voix tremblante et paraissait prête à défaillir. Je me souvins de ce nom de Brigitte-la-Rose, que je lui avais entendu donner. Je lui demandai si par hasard ce n’était pas sa couronne de rosière qu’elle venait de briser ainsi.