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de parler de Paris, et de représenter ma vie débauchée comme la meilleure chose du monde. — Vous n’êtes qu’une dévote, disais-je en riant à Brigitte ; vous ne savez pas ce que c’est. Il n’y a rien de tel que les gens sans souci et qui font l’amour sans y croire. N’était-ce pas dire que je n’y croyais pas ?

— Eh bien ! me répondait Brigitte, enseignez-moi à vous plaire toujours. Je suis peut-être aussi jolie que les maîtresses que vous regrettez ; si je n’ai pas l’esprit qu’elles avaient pour vous divertir à leur manière, je ne demande qu’à apprendre. Faites comme si vous ne m’aimiez pas, et laissez-moi vous aimer sans en rien dire. Si je suis dévote à l’église, je le suis aussi en amour. Que faut-il faire pour que vous le croyiez ?

La voilà devant son miroir, s’habillant au milieu du jour comme pour un bal ou une fête, affectant une coquetterie qu’elle ne pouvait cependant souffrir, cherchant à prendre le même ton que moi, riant et sautant par la chambre. — Suis-je à votre goût ? disait-elle. À laquelle de vos maîtresses trouvez-vous que je ressemble ? Suis-je assez belle pour vous faire oublier qu’on peut croire encore à l’amour ? Ai-je l’air d’une sans-souci ? Puis, au milieu de cette joie factice, je la voyais qui me tournait le dos, et un frisson involontaire faisait trembler sur ses cheveux les tristes fleurs qu’elle y posait. Je m’élançais alors à ses pieds. — Cesse, lui disais-je ; tu ressembles trop bien à ce que tu veux imiter, et à ce que ma bouche est assez vile pour oser rappeler devant