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qu’elle fait tous les jours, c’est-à-dire se promener dans la vallée, jouer au piquet avec sa tante, et faire la charité aux pauvres. Les paysans l’appellent Brigitte-la-Rose ; je n’ai jamais entendu dire un mot contre elle à qui que ce soit, sinon qu’elle court les champs toute seule, à toute heure du jour et de la nuit ; mais c’est dans un but si louable ! Elle est la Providence du pays. Quant aux gens qu’elle voit, ce n’est guère que le curé et M. de Dalens, aux vacances.

— Qu’est-ce que c’est que M. de Dalens ?

— C’est le propriétaire d’un château qui est là-bas, derrière la montagne ; il ne vient ici que pour la chasse.

— Est-il jeune ?

— Oui, monsieur.

— Est-il parent de madame Pierson ?

— Non. Il était ami de son mari.

— Y a-t-il longtemps que son mari est mort ?

— Cinq ans à la Toussaint ; c’était un digne homme.

— Et ce M. de Dalens, dit-on qu’il lui ait fait la cour ?

— À la veuve, monsieur ? Dame ! à vrai dire… (Il s’arrêta d’un air embarrassé.)

— Parleras-tu ?

— On l’a dit, et on ne l’a pas dit… Je n’en sais rien, je n’en ai rien vu.

— Et tu me disais tout à l’heure qu’on ne parlait pas d’elle dans le pays ?