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pières de se fermer comme des voiles, afin qu’on ne voie pas le bonheur.

Mais vous, délices ! sourires languissants, premières caresses, tutoiement timide, premiers bégaiements de l’amante, vous qu’on peut voir, vous qui êtes à nous ! êtes-vous donc moins à Dieu que le reste, beaux chérubins qui planez dans l’alcôve, et qui ramenez à ce monde l’homme réveillé du songe divin ? Ah ! chers enfants de la volupté, comme votre mère vous aime ! C’est vous, causeries curieuses, qui soulevez les premiers mystères, touchers tremblants et chastes encore, regards déjà insatiables, qui commencez à tracer dans le cœur, comme une ébauche craintive, l’ineffaçable image de la beauté chérie ! Ô royaume ! ô conquête ! c’est vous qui faites les amants.

Et toi, vrai diadème, toi, sérénité du bonheur ! premier regard reporté sur la vie, premier retour des heureux à tant d’objets indifférents qu’ils ne voient plus qu’à travers leur joie, premiers pas faits dans la nature à côté de la bien-aimée ! qui vous peindra ? Quelle parole humaine exprimera jamais la plus faible caresse ?

Celui qui, par une fraîche matinée, dans la force de la jeunesse, est sorti un jour à pas lents, tandis qu’une main adorée fermait sur lui la porte secrète ; qui a marché sans savoir où, regardant les bois et les plaines ; qui a traversé une place sans entendre qu’on lui parlait ; qui s’est assis dans un lieu solitaire, riant et pleu-