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CHAPITRE XI


Ange éternel des nuits heureuses, qui racontera ton silence ? Ô baiser, mystérieux breuvage que les lèvres se versent comme des coupes altérées ! ivresse des sens, ô volupté ! oui, comme Dieu, tu es immortelle ! Sublime élan de la créature, communion universelle des êtres, volupté trois fois sainte, qu’ont dit de toi ceux qui t’ont vantée ? Ils t’ont appelée passagère, ô créatrice ! et ils ont dit que ta courte apparence illuminait leur vie fugitive. Parole plus courte elle-même que le souffle d’un moribond ! vraie parole de brute sensuelle, qui s’étonne de vivre une heure et qui prend les clartés de la lampe éternelle pour une étincelle qui sort d’un caillou ! Amour ! ô principe du monde ! flamme précieuse que la nature entière, comme une vestale inquiète, surveille incessamment dans le temple de Dieu ! foyer de tout, par qui tout existe ! les esprits de destruction mourraient eux-mêmes en soufflant sur toi ! Je ne m’étonne pas qu’on blasphème ton nom ; car ils ne savent qui tu es, ceux qui croient t’avoir vu en face, parce qu’ils ont ouvert les yeux ; et quand tu trouves tes vrais apôtres, unis sur terre dans un baiser, tu ordonnes à leurs pau-