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et sur son attitude, quand j’étais là, une sorte d’attendrissement. Elle sentait la lutte qui se faisait en moi ; mon obéissance flattait son orgueil, mais ma pâleur réveillait en elle son instinct de sœur de charité. Je la voyais parfois irritée, presque coquette ; elle me disait d’un air presque mutin : — Je n’y serai pas demain, ne venez pas tel jour. Puis, comme je me retirais, triste et résigné, elle s’adoucissait tout à coup, elle ajoutait : — Je n’en sais rien, venez toujours ; ou bien son adieu était plus familier, elle me suivait jusqu’à la grille d’un regard plus triste et plus doux.

— N’en doutez pas, lui disais-je, c’est la Providence qui m’a mené à vous. Si je ne vous avais pas connue, peut-être, à l’heure qu’il est, serais-je retombé dans mes désordres. Dieu vous a envoyée comme un ange de lumière pour me retirer de l’abîme. C’est une mission sainte qui vous est confiée ; qui sait, si je vous perdais, où pourraient me conduire le chagrin qui me dévorerait, l’expérience funeste que j’ai à mon âge, et le combat terrible de ma jeunesse avec mon ennui ?

Cette pensée, bien sincère en moi, était de la plus grande force sur une femme d’une dévotion exaltée, et d’une âme aussi pieuse qu’ardente. Ce fut peut-être pour cette seule cause que madame Pierson me permit de la voir.

Je me disposais un jour à aller chez elle, lorsqu’on frappa à ma porte, et je vis entrer Mercanson, ce même prêtre que j’avais rencontré dans son jardin à ma pre-