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CHAPITRE IV


Nous marchions en silence ; le vent s’apaisait ; les arbres frémissaient doucement en secouant la pluie sur leurs rameaux. Quelques éclairs lointains brillaient encore ; un parfum de verdure humide s’élevait dans l’air attiédi. Le ciel redevint bientôt pur, et la lune éclaira la montagne.

Je ne pouvais m’empêcher de penser à la bizarrerie du hasard qui, en si peu d’heures, me faisait ainsi me trouver seul, la nuit, dans une campagne déserte, le compagnon de voyage d’une femme dont je ne connaissais pas l’existence au lever du soleil. Elle avait accepté ma conduite sur le nom que je portais, et marchait avec assurance, s’appuyant sur mon bras d’un air distrait. Il me semblait que cette confiance était bien hardie ou bien simple ; et elle devait être en effet l’un et l’autre, car, à chaque pas que nous faisions, je sentais mon cœur, à côté d’elle, devenir fier et innocent.

Nous commençâmes à nous entretenir de la malade qu’elle quittait, de ce que nous voyions sur la route ; il ne nous vint pas la pensée de nous faire des questions