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Tout était resté dans la maison dans le même ordre qu’auparavant, et nous n’y avions pas dérangé un morceau de papier. Le grand fauteuil de cuir dans lequel s’asseyait mon père était auprès de la cheminée ; sa table, ses livres, placés de même ; je respectais jusqu’à la poussière de ses rayons, qu’il n’aimait pas qu’on lui dérangeât pour les nettoyer. Cette maison solitaire, habituée au silence et à la vie la plus tranquille, ne s’était aperçue de rien ; il me semblait seulement que les murailles et les meubles me regardaient quelquefois avec pitié, quand je m’enveloppais de la robe de chambre de mon père et que je m’asseyais dans son fauteuil. Une voix faible s’élevait alors des rayons poudreux comme pour dire : Où est allé le père ? Nous voyons bien que c’est l’orphelin.

Je reçus de Paris plusieurs lettres, et je fis à toutes la réponse que je voulais passer l’été seul à la campagne, comme mon père avait coutume de faire. Je commençais à sentir cette vérité, que dans tous les maux il y a toujours quelque bien, et qu’une grande douleur, quoi qu’on en dise, est un grand repos. Quelle que soit la nouvelle qu’ils apportent, lorsque les envoyés de Dieu nous frappent sur l’épaule, ils font toujours cette bonne œuvre, de nous réveiller de la vie, et là où ils parlent tout se tait. Les douleurs passagères blasphèment et accusent le ciel ; les grandes douleurs n’accusent ni ne blasphèment : elles écoutent.

Le matin, je passais des heures entières en contem-