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vous réponds que je vous aime, et puis c’est tout, à votre avis ?

La marquise.

Vous ne m’aimez pas plus que le Grand Turc.

Le comte.

Oh ! par exemple, c’est trop fort. Écoutez-moi un seul instant, et si vous ne me croyez pas sincère…

La marquise.

Non, non, et non ! Mon Dieu ! croyez-vous que je ne sache pas ce que vous pourriez me dire ? J’ai très bonne opinion de vos études ; mais, parce que vous avez de l’éducation, pensez-vous que je n’aie rien lu ? Tenez, je connaissais un homme d’esprit qui avait acheté, je ne sais où, une collection de cinquante lettres, assez bien faites, très proprement écrites, des lettres d’amour, bien entendu. Ces cinquante lettres étaient graduées de façon à composer une sorte de petit roman, où toutes les situations étaient prévues. Il y en avait pour les déclarations, pour les dépits, pour les espérances, pour les moments d’hypocrisie où l’on se rabat sur l’amitié, pour les brouilles, pour les désespoirs, pour les instants de jalousie, pour la mauvaise humeur, même pour les jours de pluie comme aujourd’hui. J’ai lu ces lettres. L’auteur prétendait, dans une sorte de préface, en avoir fait usage pour lui-même, et n’avoir jamais trouvé une femme qui résistât plus tard que le trente-troisième numéro. Eh bien ! j’ai résisté, moi, à toute la collection. Je vous demande si j’ai de la litté-