Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/61

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chavigny.

Ah, grand Dieu ! je ne l’ai jamais aimée.

Madame de Léry.

Ni moi non plus, monsieur de Chavigny.

Chavigny.

Mais qui a pu vous dire que je pensais à cette femme-là ? Ah ! ce n’est pas elle à qui je demanderai jamais un instant de bonheur ; ce n’est pas elle qui me le donnera !

Madame de Léry.

Ni moi non plus, monsieur de Chavigny. Vous venez de me faire un petit sacrifice, c’est très galant de votre part ; mais je ne veux pas vous tromper : la bourse rouge n’est pas de ma façon.

Chavigny.

Est-il possible ? Qui est-ce donc qui l’a faite ?

Madame de Léry.

C’est une main plus belle que la mienne. Faites-moi la grâce de réfléchir une minute et de m’expliquer cette énigme à mon tour. Vous m’avez fait en bon français une déclaration très aimable ; vous vous êtes mis à deux genoux par terre, et remarquez qu’il n’y a pas de tapis ; je vous ai demandé votre bourse bleue, et vous me l’avez laissé brûler. Qui suis-je donc, dites-moi, pour mériter tout cela ? Que me trouvez-vous donc de si extraordinaire ? Je ne suis pas mal, c’est vrai ; je suis jeune ;