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à mourir d’un si vaillant amour ; — ce sont là ses propres paroles. — Appelez-vous cela du mépris ? — Et c’est moi qui veux vous emmener, que vous restiez près de moi, que vous ayez une place parmi mes filles d’honneur, qui, elles aussi, sont mes bonnes amies ; c’est moi qui veux que, loin d’oublier don Pèdre, vous puissiez le voir tous les jours ; qu’au lieu de combattre un penchant dont vous n’avez pas à vous défendre, vous cédiez à cette franche impulsion de votre âme vers ce qui est beau, noble et généreux, car on devient meilleur avec un tel amour ; c’est moi, Carmosine, qui veux vous apprendre que l’on peut aimer sans souffrir, lorsque l’on aime sans rougir, qu’il n’y a que la honte ou le remords qui doivent donner de la tristesse, car elle est faite pour le coupable, et, à coup sûr, votre pensée ne l’est pas.

Carmosine.

Bonté du ciel !

La Reine.

C’est encore moi qui veux qu’un époux digne de vous, qu’un homme loyal, honnête et brave, vous donne la main pour entrer chez moi ; qu’il sache comme moi, comme tout le monde, le secret de votre souffrance passée ; qu’il vous croie fidèle sur ma parole, que je vous croie heureuse sur la sienne, et que votre cœur puisse guérir ainsi, par l’amitié de votre reine, et par l’estime de votre époux… Prêtez l’oreille, n’est-ce pas le bruit du clairon ?