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Scène VI


CARMOSINE, seule.

Ta part ! pauvre et excellent cœur ! — Elle eût été plus douce, et tu la méritais, si l’impitoyable hasard ne m’eût fait rencontrer… Dieu puissant ! quel blasphème sort donc de mes lèvres ! Ô ma douleur, ma chère douleur, j’oserais me plaindre de toi ? Toi mon seul bien, toi ma vie et ma mort, toi qu’il connaît maintenant ? Ô bon Minuccio, digne, loyal ami ! il t’a écouté, tu lui as tout dit, il a souri, il a été touché, il m’a envoyé une bague…

Elle la baise.

Tu reposeras avec moi ! Ah ! quelle joie, quel bonheur ce matin quand j’ai entendu ces mots : Il sait tout ! Qu’importent maintenant et mes larmes, et ma souffrance, et toutes les tortures de la mort ! Il sait que je pleure, il sait que je souffre ! [Oui, Perillo avait raison ; — cette joie devant mon père a été cruelle, mais pouvais-je la contenir ? Rien qu’en regardant Minuccio, le cœur me battait avec tant de force ! Il l’avait vu, lui, il lui avait parlé !] Ô mon amour ! ô charme inconcevable ! délicieuse souffrance, tu es satisfaite ! je meurs tranquille, et mes vœux sont comblés. — L’a-t-il compris en m’envoyant cette bague ? A-t-il senti qu’en disant que j’aimais, je disais que j’allais mourir ? Oui, il m’a comprise, il m’a devinée. Il m’a mis au doigt cet