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vie et celle de l’infant, je ne puis revenir un instant ici sans avoir à juger vos disputes !

La Reine.

Pardonnez-leur au nom de votre gloire et du nouveau succès de vos armes.

Le Roi.

Non, par le ciel ! car ce sont eux précisément qui me feraient perdre le fruit de ces combats, avec leurs discordes honteuses, avec leurs querelles de paysans ! Celui-là, c’est l’orgueil qui le pousse, et celui-ci c’est l’avarice. On se divise pour un privilège, pour une jalousie, pour une rancune ; pendant que la Sicile tout entière réclame nos épées, on tire les couteaux pour un champ de blé. Est-ce pour cela que le sang français coule encore depuis les Vêpres ? Quel fut alors votre cri de guerre ? La liberté, n’est-ce pas, et la patrie ! et tel est l’empire de ces deux grands mots, qu’ils ont sanctifié la vengeance. Mais de quel droit vous êtes-vous vengés, si vous déshonorez la victoire ? Pourquoi avez-vous renversé un roi, si vous ne savez pas être un peuple ?

La Reine.

Sire, ont-ils mérité cela ?

Le Roi.

Ils ont mérité pis encore, ceux qui troublent le repos de l’État, ceux qui ignorent ou feignent d’ignorer