Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/345

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Minuccio.

Il n’y a qu’à regarder. Trouvez sur terre une chose plus gaie et plus divertissante à voir qu’un sourire, quand c’est une belle fille qui sourit ! Quel chagrin y résisterait ? Donnez-moi un joueur à sec, un magistrat cassé, un amant disgracié, un chevalier fourbu, un politique hypocondriaque, les plus grands des infortunés, Antoine après Actium, Brutus après Philippes, que dis-je ? un sbire rogneur d’écrits, un inquisiteur sans ouvrage ; montrez à ces gens-là seulement une fine joue couleur de pêche, relevée par le coin d’une lèvre de pourpre où le sourire voltige sur deux rangs de perles ! Pas un ne s’en défendra, sinon je le déclare indigne de pitié, car son malheur est d’être un sot.

Ser Vespasiano, à dame Pâque.

Il a du jargon, il a du jargon ; on voit qu’il s’est frotté à nous.

Minuccio.

Si donc cette chose plus légère qu’une mouche, plus insaisissable que le vent, plus impalpable et plus délicate que la poussière de l’aile d’un papillon, cette chose qui s’appelle une jolie femme, réjouit tout et console de tout, n’est-il pas juste qu’elle soit heureuse, puisque c’est d’elle que le bonheur nous vient ? Le possesseur du plus riche trésor peut, il est vrai, n’être qu’un pauvre, s’il enfouit ses ducats en terre, ne donnant rien à soi ni aux autres ; mais la beauté ne saurait être avare. Dès qu’elle se montre, elle se dépense, elle se prodigue