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Le marquis.

Prenez courage.

Bettine.

Non, je ne le vois pas. À examiner froidement, raisonnablement ce qui m’arrive, je ne veux pas vous tromper, je ne vois nul remède, nul espoir. Je perds l’homme que j’aimais, et ce qu’il y a de plus affreux encore, je suis forcée de le mépriser. Que voulez-vous que je devienne ? Es-tu de mon avis, Calabre ? Plus je réfléchis, et plus je vois qu’il n’y a plus pour moi d’existence possible. Je ne peux plus rien faire que prier et pleurer. Est-ce à ce reste de moi-même, à ce fantôme de votre amie que vous voulez donner la main ? est-ce à un masque couvert de larmes ?

Elle pleure.
Le marquis.

Oui, morbleu ! et ces larmes-là, je ne vous demanderai jamais de les essuyer. Je respecte trop votre douleur pour tâcher de vous en distraire, mais je vous dis : le temps s’en chargera, — et laissez-moi aussi achever ma pensée, dût-elle vous choquer en ce moment. Vous n’avez plus, dites-vous, d’existence possible ? Vous en avez une toute faite, la seule qui vous convienne, celle que vous aimez, que vous avez choisie, qui est notre plaisir et votre gloire… Vous retournerez au théâtre.

Bettine.

Y pensez-vous ?