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Bettine.

Je ne vois pas que vous ayez si grand tort. Et moi aussi, j’aime mes souvenirs.

Le marquis.

Est-ce qu’on peut en avoir à votre âge ?

Bettine.

Pourquoi donc pas, monsieur le marquis ? Si vos souvenirs sont les aînés des miens, cela n’empêche pas qu’ils ne se ressemblent.

Le marquis.

Bah ! les vôtres sont nés d’hier ; ce sont des enfants qui grandissent. Vous reviendrez tôt ou tard au théâtre.

Bettine.

Jamais, cher Stéfani, jamais.

Le marquis.

Mais, voyons, dans ce temps-là, n’étiez-vous pas heureuse ?

Bettine.

C’est-à-dire que je ne pensais à rien. Ah ! c’est que je n’avais pas aimé.

Le marquis.

Qu’est-ce que vous voulez dire par là ?

Bettine.

Ce que je dis. J’ai été un peu folle, c’est vrai, insouciante, coquette, si vous voulez. Est-ce que ce n’est pas notre droit, par hasard ? Mais je ne suis plus rien de tout cela, depuis que j’ai senti mon cœur.