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Mathilde.

Eh bien ! je t’en supplie à genoux.

Chavigny.

Levez-vous, Mathilde, je vous en conjure à mon tour ; vous savez que je n’aime pas ces manières-là. Je ne peux pas souffrir qu’on s’abaisse, et je le comprends moins ici que jamais. C’est trop insister sur un enfantillage ; si vous l’exigiez sérieusement, je jetterais cette bourse au feu moi-même, et je n’aurais que faire d’échange pour cela. Allons, levez-vous, et n’en parlons plus. Adieu ; à ce soir ; je reviendrai.

Il sort.



Scène V

MATHILDE, seule.

Puisque ce n’est pas celle-là, ce sera donc l’autre que je brûlerai.

Elle va à son secrétaire et en tire la bourse qu’elle a faite.

Pauvre petite, je te baisais tout à l’heure ; et te souviens-tu de ce que je te disais ? Nous arrivons trop tard, tu le vois. Il ne veut pas de toi, et ne veut plus de moi.

Elle s’approche de la cheminée.

Qu’on est folle de faire des rêves ! ils ne se réalisent jamais. Pourquoi cet attrait, ce charme invincible qui nous fait caresser une idée ? Pourquoi tant de plaisir à la suivre, à l’exécuter en secret ? À quoi bon tout cela ?