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La maréchale.

Vous parlez haut, Lisette, et changez de langage.

Lisette.

Ma foi, madame, c’est celui de mon village.
Mon père s’en servait, et je l’ai toujours pris
Lorsque sur mon chemin j’ai trouvé le mépris.
Certes, lorsque l’honneur s’unit à la noblesse,
C’est un bien beau hasard qu’il trouve la richesse ;
Mais s’il est dans le cœur des gens qui ne sont rien,
On devrait le laisser à qui l’a pour tout bien.

La maréchale.

Mais, dans cette maison, à jaser de la sorte,
Songez-vous qu’il se peut…

Lisette.

Songez-vous qu’il se peut…Qu’il se peut que j’en sorte ?
Je ne le sais que trop, et c’est ce triste pas
Qui m’a fait hésiter, je ne m’en défends pas.
Dire adieu tout à coup, d’abord à vous, madame,
Puis à tant de bienfaits, à tant de bonté d’âme,
Perdre tout d’un seul mot, le présent, l’avenir,
Oui, c’est là ce qui fait que j’ai failli mentir.
Mais je le dis encor, même étant accusée,
Je ne puis supporter de me voir méprisée.
Quand m’a-t-on jamais vue ou tromper ou trahir ?
Qu’on m’apprenne mon crime, avant de m’en punir.

La maréchale.

Vous venez à l’instant de l’avouer vous-même.