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que je me suis figuré que le rustre ne savait de qui il parlait ; — mais il le savait bien.

Philippe.

Oui, ils le savent, les infâmes ! ils savent bien où ils frappent ! Le vieux tronc d’arbre est d’un bois trop solide ; ils ne viendraient pas l’entamer. Mais ils connaissent la fibre délicate qui tressaille dans ses entrailles lorsqu’on attaque son plus faible bourgeon. Ma Louise ! ah ! qu’est-ce donc que la raison ? Les mains me tremblent à cette idée. Juste Dieu ! La raison, est-ce donc la vieillesse ?

Le prieur.

Pierre est trop violent.

Philippe.

Pauvre Pierre ! comme le rouge lui est monté au front ! comme il a frémi en t’écoutant raconter l’insulte faite à sa sœur ! C’est moi qui suis un fou, car je t’ai laissé dire. Pierre se promenait par la chambre à grands pas, inquiet, furieux, la tête perdue ; il allait, il venait, comme moi maintenant. Je le regardais en silence : c’est un si beau spectacle qu’un sang pur montant à un front sans reproche ! Ô ma patrie ! pensais-je, en voilà un, et c’est mon aîné. Ah ! Léon, j’ai beau faire, je suis un Strozzi.

Le prieur.

Il n’y a peut-être pas tant de danger que vous le pensez. — C’est un grand hasard s’il rencontre Sal-