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grands ont représenté les leurs dans toute leur force, et sans y rien changer. Leur imagination était un arbre plein de sève ; les bourgeons s’y métamorphosaient sans peine en fleurs, et les fleurs en fruits ; bientôt ces fruits mûrissaient à un soleil bienfaisant, et, quand ils étaient mûrs, ils se détachaient d’eux-mêmes et tombaient sur la terre sans perdre un seul grain de leur poussière virginale. Hélas ! les rêves des artistes médiocres sont des plantes difficiles à nourrir, et qu’on arrose de larmes bien amères pour les faire bien peu prospérer.

Il montre son tableau.
Valori.

Sans compliment, cela est beau ; non pas du premier mérite, il est vrai : pourquoi flatterais-je un homme qui ne se flatte pas lui-même ? Mais votre barbe n’est pas poussée, jeune homme.

Lorenzo.

Est-ce un paysage ou un portrait ? De quel côté faut-il le regarder, en long ou en large ?

Tebaldeo.

Votre Seigneurie se rit de moi. C’est la vue du Campo-Santo.

Lorenzo.

Combien y a-t-il d’ici à l’immortalité ?

Valori.

Il est mal à vous de plaisanter cet enfant. Voyez comme ses grands yeux s’attristent à chacune de vos paroles.