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tait que par le ciel !… Mais Scoronconcolo, l’interrompant, lui dit tout à coup : « Nommez-le seulement, et laissez-moi faire ; il ne vous donnera plus d’ennui. » Il le supplia de dire qui était son ennemi ; à quoi Lorenzo répondit : « Hélas ! je ne le puis : c’est un favori du duc. — Qui que ce soit, dites toujours, » reprenait Scoronconcolo ; et dans le langage dont se servent habituellement les spadassins de cette espèce, il s’écria : « Je le tuerai, quand ce serait le Christ ! »

Voyant, par là, que ses manœuvres réussissaient, Lorenzo emmena un jour cet homme dîner avec lui, comme il le faisait souvent, malgré les remontrances de sa mère, et il dit à Scoronconcolo : « Or çà, puisque tu me promets si résolument de m’assister, je crois que tu ne me manqueras pas, comme, de mon côté, je te rendrai service en tout ce qui dépendra de moi, et je suis satisfait de tes offres que j’accepte. Mais je veux être de la partie, et afin que nous puissions faire le coup et nous sauver après, j’aviserai à conduire mon ennemi dans un lieu où nous ne courrons aucun risque, et je suis sûr que nous réussirons. » Comme la nuit que j’ai dite plus haut parut à Lorenzo le moment favorable, d’autant que le seigneur Alexandre Vitelli se trouvait parti ce jour-là pour Città-di-Castello, il parla bas à l’oreille du duc après souper, et il lui dit qu’enfin, par des promesses d’argent, il avait décidé sa tante, et que le duc pouvait venir seul, à l’heure convenue et avec précaution, dans sa chambre à lui Lorenzo, en prenant garde, pour l’honneur de la dame, que personne ne le vît ni entrer ni sortir, et que sitôt que le prince y serait, incontinent il irait chercher Catherine Ginori. Le duc ayant mis un grand vêtement de satin, à la napolitaine et garni de zibeline, au moment de prendre ses gants, qui étaient les uns de mailles et les autres de peau par-