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Alfred de Musset conçut l’idée de ce grand drame et en composa le plan, à Florence, devant les sombres palais des Médicis et des Strozzi, pendant le mois de janvier 1834 ; mais il prit le temps de le laisser mûrir dans sa tête, et ne l’écrivit que huit mois plus tard ; on ne doit pas s’étonner d’y trouver une crudité de langage à laquelle les lecteurs des comédies précédentes n’étaient pas accoutumés. Il s’agissait cette fois de faire une peinture exacte de l’Italie au seizième siècle, et l’on sait que, depuis le règne de Borgia jusqu’à celui de Sixte-Quint, les actes de violence de toutes sortes se commettaient ouvertement et avec impunité. Les premières familles de la noblesse en donnaient l’exemple, et Benvenuto Cellini lui-même, qui n’était pas un grand seigneur, ne dormait jamais de si bon cœur que lorsqu’il avait poignardé ou assommé un de ses ennemis. À moins de ne tenir aucun compte de l’histoire et de la vérité, l’auteur de Lorenzaccio ne pouvait pas faire parler décemment des scélérats tels que Julien Salviati et Alexandre de Médicis. C’est dans les rôles de Philippe Strozzi, de Catherine Ginori et de Marie Soderini qu’on trouve les sentiments tendres et le langage des cœurs nobles et délicats. Quant au personnage de Lorenzo, nous n’hésitons pas à le placer au niveau des plus belles créations de Shakspeare. Ce drame est assurément l’œuvre capitale d’Alfred de Musset, l’expression la plus énergique et la plus virile de son génie.

La longueur de cet ouvrage nous a obligés à le rejeter au second volume du Théâtre, bien qu’il ait été écrit avant Barberine.