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Lorenzo.

Le duc t’a donc écrit ? Cela est singulier que je ne l’aie point su. Et, dis-moi, que penses-tu de sa lettre ?

Catherine.

Ce que j’en pense ?

Lorenzo.

Oui, de la déclaration d’Alexandre. Qu’en pense ce petit cœur innocent ?

Catherine.

Que veux-tu que j’en pense ?

Lorenzo.

N’as-tu pas été flattée ? un amour qui fait l’envie de tant de femmes ! un titre si beau à conquérir, la maîtresse de… Va-t’en, Catherine, va dire à ma mère que je te suis. Sors d’ici. Laisse-moi !

Catherine sort.

Par le Ciel ! quel homme de cire suis-je donc ? Le vice, comme la robe de Déjanire, s’est-il si profondément incorporé à mes fibres, que je ne puisse plus répondre de ma langue, et que l’air qui sort de mes lèvres se fasse ruffian malgré moi ? J’allais corrompre Catherine ; je crois que je corromprais ma mère, si mon cerveau le prenait à tâche ; car Dieu sait quelle corde et quel arc les dieux ont tendus dans ma tête, et quelle force ont les flèches qui en partent. Si tous les hommes sont des parcelles d’un foyer immense, assurément l’être inconnu qui m’a pétri a laissé tomber un tison au lieu d’une étincelle dans ce corps faible et