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Le Duc.

Assez, ma chère, assez.

La Marquise.

Ah ! quand elle le sera ! quand un misérable jardinier payé à la journée viendra arroser à contre-cœur quelques chétives marguerites autour du tombeau d’Alexandre ; — quand les pauvres respireront gaiement l’air du ciel, et n’y verront plus planer le sombre météore de ta puissance ; — quand ils parleront de toi en secouant la tête ; — quand ils compteront autour de ta tombe les tombes de leurs parents, — es-tu sûr de dormir tranquille dans ton dernier sommeil ? — Toi qui ne vas pas à la messe, et qui ne tiens qu’à l’impôt, es-tu sûr que l’éternité soit sourde, et qu’il n’y ait pas un écho de la vie dans le séjour hideux des trépassés ? Sais-tu où vont les larmes des peuples quand le vent les emporte ?

Le Duc.

Tu as une jolie jambe.

La Marquise.

Écoute-moi ; tu es étourdi, je le sais ; mais tu n’es pas méchant ; non, sur Dieu, tu ne l’es pas, tu ne peux pas l’être. Voyons ! fais-toi violence ; — réfléchis un instant, un seul instant à ce que je te dis. N’y a-t-il rien dans tout cela ? Suis-je décidément une folle ?

Le Duc.

Tout cela me passe bien par la tête ; mais qu’est-ce