Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/118

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pas plus d’Alexandre de Médicis à Florence qu’il n’y a de soleil à minuit.

Philippe.

Quand cela serait vrai, pourquoi aurais-je tort de penser à la liberté ? Ne viendra-t-elle pas quand tu auras fait ton coup, si tu le fais ?

Lorenzo.

Philippe, Philippe, prends garde à toi. Tu as soixante ans de vertu sur ta tête grise ; c’est un enjeu trop cher pour le jouer aux dés.

Philippe.

Si tu caches sous ces sombres paroles quelque chose que je puisse entendre, parle ; tu m’irrites singulièrement.

Lorenzo.

Tel que tu me vois, Philippe, j’ai été honnête. J’ai cru à la vertu, à la grandeur humaine, comme un martyr croit à son dieu. J’ai versé plus de larmes sur la pauvre Italie que Niobé sur ses filles.

Philippe.

Eh bien, Lorenzo ?

Lorenzo.

Ma jeunesse a été pure comme l’or. Pendant vingt ans de silence, la foudre s’est amoncelée dans ma poitrine ; et il faut que je sois réellement une étincelle du tonnerre, car tout à coup, une certaine nuit que j’étais assis dans les ruines du colisée antique, je ne sais pourquoi, je me levai ; je tendis vers le ciel mes bras